Good times witn my bros

1/16/2011

Delorean : Subiza


Les quatre espagnols de Delorean pouvaient-ils produire autre chose qu’un « album parfait pour l’été » ? Avec quel horizon ? Ibiza ou la Louisiane ?


C’est de l’été 2009 que date notre découverte de Delorean avec leur précédent ep: Ayrton Senna. Et tout de suite, ils s’étaient imposés en bonne place dans notre compil de l’été, avec des tubes comme « Moonson », « Deni » et surtout l’excellent « Seasun ». Il faut dire que cet ep marquait un tournant dans la trajectoire de Delorean. En effet, si on n’entend parler d’eux que depuis peu, Subiza est en fait leur troisième disque. Mais les deux précédents ont été réalisés avec une formation différente, beaucoup plus rock, voir carrément metal. C’est avec Ayrton Senna qu’ils s’essayaient pour la première fois avec brio à un son beaucoup plus électro. La question est maintenant de savoir s’ils peuvent réussir le passage au format album avec ce nouveau son. Subiza accompagnera-t-il notre été comme l’avait fait Ayrton Senna ?

La corrélation entre l’origine d’un groupe et son style de musique demeure impressionnante. Ainsi les nordiques feraient de la musique mélancolique et les espagnols de la musique de plage ? Cette corrélation n’est bien sûr qu’en partie vraie, mais souvent utilisée par les critiques, notamment américains, avides de causalités. Il n’empêche que l’endroit où l’on vit a un impact sur la musique qu’on compose et qu’on écoute, et que Subiza est bel et bien un album fait pour l’été. Dès la première chanson, « Stay Close », c’est un déferlement de sons festifs, l’excitation monte très vite et on pense tout de suite aux reflets sur la mer, à la sangria et aux nuits d’été sans fin. Le clip de cette chanson représente d’ailleurs des jeunes à la bien au bord de la mer. Le titre de cet album, Subiza, choisi car c’était le nom du village de Navarre où Delorean l’a enregistré, fait un écho ironique à Ibiza. Néanmoins, cette ironie n’est pas pur rejet, il ne s’agit pas de conspuer la fête. Au contraire, chez Delorean, il y a même une indéniable affiliation au fameux Balearic Sound, associé à l’île. C’est comme si, Ibiza étant devenu la capitale des party beaufs et de l’électro pompeuse, il fallait se réapproprier son esprit originel : la fête dans un décor idyllique et la musique qui va avec.

La chill-wave à la sauce espagnole
Si on voulait catégoriser Delorean, on peut en gros les classer dans ce qu’on appelle la chill-wave, dont les éminents représentants sont Washed Out. On dénote également d’autres influences parfois proches de la copie. Ainsi, les voix féminines dans « Real Love » ont des effets souvent très similaires à ce que font Crystal Castles, tandis que sur le reste de l’album, on pense souvent à Pictureplane. La ressemblance est criante dès l’intro de « Stay Close ». Mais là, où la musique de ces deux groupes, bien que festive, demeure sombre ou dérangée, le son de Delorean est pur idyllisme. Aucune trace de cold ici. Tout est direct, ce qui donne un album efficace et effectivement bon à écouter avant d’aller se baigner, avec des bombes comme « Stay Close », « Real Love » ou encore « It’s All Ours », variant légèrement mais appliquant toujours la même formule, lassante au bout d’un moment. Delorean chantent en Anglais et font une musique proche de groupes américains. Et puis ? C’est un fait, le mainstream anglo-saxon a conquis le monde, que ce soit dans les domaines du cinéma, de la télévision et dans la musique, au point d’être confondu avec la modernité même. Ce qu’il reste possible de faire, c’est de se réapproprier ce mainstream, de lui voler ses armes. Cela, Delorean l’a très bien compris, en pillant les artistes qui le mérite (cette phrase est un double compliment). Ils jouent une musique influencée mais la rehausse à leur sauce et ce qui plait le plus dans Subiza, c’est justement sa touche espagnole, son côté Ibiza, un peu kitsch mais candide. C’est pour ça que la meilleure chanson de l’album, c’est peut-être « Simple Graces », titre aux plus fortes touches ibériques, et dont l’intro fait tout de suite penser à un autre barcelonais maître dans l’art de la réappropriation : El Guincho.

Globalement on est tout de même un peu déçu par ce Subiza. Pas qu’il soit mauvais. Mais il se passe pour Delorean ce qu’il s’était passé pour Passion Pit entre Chunk of change et Sisters : les chansons sont toujours assez bonnes mais le son a beaucoup perdu de son originalité et de son inventivité. L’album s’avère vite lassant. Pour notre compil de l’été 2010, on va donc remettre « Seasun » et, pour faire exploser le déterminisme ethnique, on y ajoute les suédois de Staygold et leur suintant « Backseat Love ».

 

1/10/2011

PERFUME GENIUS : LEARNING



Exact contraire des ballades pompières habituelles, Perfume Genius écrit des chansons d’une simplicité et d’une fragilité à couper le souffle

Dès les premières notes de Learning, c’est comme si on était tombé sur la cassette trouvée dans la chambre d’un jeune homme triste à mourir. C’est tout l’album qui est une fulgurance crépusculaire. Malgré tout ce que cette figure du jeune homme gay désespéré peut avoir de cliché, la magie opère avec Perfume Genius. Chacune des chansons du disque a une force émotionnelle presque irrésistible qui transmet instantanément une mélancolie porteuse de sanglots et de beauté. Cette réussite tient à n’en pas douter au rejet de tout ce qui se fait dans le folk ou néo-folk actuel. Chez Perfume Genius, point de trace de grandiloquence assommante, de cœurs lourdingues, ni d’expérimentation forcée. Tout, du son aux paroles, est d’une simplicité qui fait jaillir la tristesse dans un éclat cristallin.

Elliott Smith sort de ce corps
Le son est lo-fi. Pas dans le sens où ça grésille mais dans le sens où rien n’est amplifié. Les chansons de Learning sont comme enregistrées directement dans une chambre, dans une ambiance intime. Généralement elles s’appuient uniquement sur un piano et la voix évanescente de Perfume Genius, sorte de Neil Young androgyne. Les chansons à texte dépassent rarement les trois minutes trente. On ne peut qu’être reconnaissant face à ce refus de la chanson émotive d’une longueur prétentieuse, genre dont « Stairway to Heaven » est un peu le parangon. La beauté des chansons de Perfume Genius tient à leur caractère éphémère, à la grâce de ces moments qu’on sait pouvoir disparaître à tout moment. Aussi fragile qu’une bulle de savon. Aussi fragile que le cœurs des hommes.

Pour les textes, c’est de nouveau la simplicité qui sert d’arme d’émotion massive. Chaque mot, chaque phrase, parfois répétés, résonne de toute sa densité sentimentale. Contrairement au flot habituel de mots trop nombreux pour qu’on s’y arrête, c’est ici chaque mot qui semble contenir en lui-même une émotion intime propre. L’album commence par « Learning » avec les paroles : « no one will answer your prayers/ until you take off that dress/ no one will hear all your crying/ until your take your last breath », chantées une première fois puis sanglotée une seconde, qui met tout de suite l’auditeur à genoux. Cœur qui résiste à cette chanson, considère toi de pierre. Il ne sert à rien de sélectionner certaines chansons en particulier tant chacune est un sommet de musique sentimentale qu’on avait plus entendu depuis l’Elliott Smith de « Angeles ». Un premier album qui exprime de telles émotions avec sobriété mais grâce à une voix et un talent mélodique hors du commun, cela laisse admiratif. Même les deux chansons instrumentales (« Gay Angels » et « No Problem ») sont de vraies réussites. Peut-être qu’à la longue, on se lassera de cet album, mais l’émotion qu’on a ressentie la première fois qu’on a écouté Learning, on ne l’oubliera pas de sitôt. C’était beau, c’était triste, c’était fort, c’était fragile, c’était vrai.

1/05/2011

Health : Disco 2


Voilà un album malheureusement méconnu de 2010. Un an après sa sortie, Get Color des géniaux Health était  remixé par la fine fleure de l’électro actuelle. De quoi faire mieux que l’originale ?

Pour Health, c’est donc devenu un passage obligé que de publier un remix de son album. En effet, le premier disque du groupe avait lui aussi eu le droit au même processus avec le précédent Disco qui contenait une des meilleures chansons des années 2000 « Crimewave », fruit de la rencontre de deux des meilleures groupes de ces mêmes années : Health donc et Crystal Castles. Mais tout cela s’avère en définitive assez logique tant les albums de Health appellent intrinsèquement leur remix. Car les chansons des 4 de Los Angeles semblent plutôt être des destructions de chansons. A la fois rugueuse et mélodique, elles ne choisissent jamais entre la voix monotone du chanteur et le son volontairement sale des synthés et guitares, haché de silence. Le tout est à la fois atonal, désynchronisé et rythmé. Charge aux remixeurs de dénicher les chansons potentielles cachées au sein de Get Color.

Si le concept de remix apparaît souvent comme un procédé commercial utilisé par la maison de disque pour rentabiliser un album, il est important de préciser qu’Health sont ici parties prenantes et ont curaté eux-mêmes cet album. Et la liste des invités démontre une fois de plus leur bon gout. Parcourir la liste des groupes présents, c’est presque donner le 11 idéal de l’électro actuel : en commençant par Crystal Castles, de nouveau convié, auquel s’ajoutent le très 90’s Pictureplane, la révélation Javelin, les grands espoirs Salem, les insouciants Small Black, le très polyvalent Gold Panda et d’autres. Chacun impose son style reconnaissable entre tous et les chansons de Get Color en sortent entièrement changés, certaines étant même remixées plusieurs fois sans qu’aucune répétition ne soit perceptible. Un point commun à l’ensemble des morceaux de Disco 2 reste tout de même l’effacement des guitares.

Une wunderteam sous l’œil d’un entraineur magicien

Crystal Castles étaient évidemment très attendus après leur premier essai parfaitement réussi. Leur remix de « Eat Flesh » surprend à l’instar de leur dernier album. Cette fois, ils ne signent pas le tube du disque mais ce n’était pas l’intention du duo canadien. Leur version fait ressortir une ambiance fantomatique, glacial, proche de leur « Celestica », et très radical, avec une batterie restant très présente et un bip strident. Un très beau morceau de ghost-wave. Dans la même veine, les incroyables Salem plongent « In Violet » dans leur chaudron mêlant dubstep hanté et ambiance de cryptes.

Ces deux chansons ne doivent pas faire croire que Disco2 a une teinte sombre d’ensemble, au contraire une de ses qualités tient à la diversité des styles. Ainsi Javelin, Small Black et CFCF livrent des remixes pop et tropicaux. « In Heat » revue par Javelin, voilà peut-être le tube incontournable de cet album, endiablé et léger, bref jouissif. Pictureplane, quant à lui, passe le tube de Get Color, « Die Slow », à la moulinette pour en faire un vrai hit rave. Mais la transformation la plus radicale, c’est Gold Panda qui l’assure, « Before Tigers » étant transsubstancé en une chanson instrumentale totalement démente. A part ça, on trouve de l’assez bon (Little Loud), de l’intéressant (la présence de Blindoldfreak plus habitué aux drones), mais aussi du putassier avec Tobbaco, seul maillon faible de cette équipe de rêve, qui a le mauvais gout d’envoyer du beat lourdingue et fait ressortir la voix du chanteur de Health comme si c’était Thom Yorke (Argh !).

Disco 2 révèle donc une véritable wunderteam, alliant polyvalence et efficacité. Tout ça, sous l’œil expert d’un coach, qui n’est pas en reste en signant la première des 12 chansons de cet album. Il s’agit d’un nouveau titre de Health « USA Boys », que les gens avisés ont déjà eu la chance d’entendre lors du passage du groupe à Kilbi. Un titre juste énorme, différent du travail du groupe sur Get Color, et collant parfaitement avec cet album de remix. Le son est beaucoup moins rock, guitare et batterie ayant quasiment disparus. Un titre révolutionnaire dans la trajectoire du groupe, qui laisse présager des lendemains qui claquent.