Exact contraire des ballades pompières habituelles, Perfume Genius écrit des chansons d’une simplicité et d’une fragilité à couper le souffle
Dès les premières notes de Learning, c’est comme si on était tombé sur la cassette trouvée dans la chambre d’un jeune homme triste à mourir. C’est tout l’album qui est une fulgurance crépusculaire. Malgré tout ce que cette figure du jeune homme gay désespéré peut avoir de cliché, la magie opère avec Perfume Genius. Chacune des chansons du disque a une force émotionnelle presque irrésistible qui transmet instantanément une mélancolie porteuse de sanglots et de beauté. Cette réussite tient à n’en pas douter au rejet de tout ce qui se fait dans le folk ou néo-folk actuel. Chez Perfume Genius, point de trace de grandiloquence assommante, de cœurs lourdingues, ni d’expérimentation forcée. Tout, du son aux paroles, est d’une simplicité qui fait jaillir la tristesse dans un éclat cristallin.
Elliott Smith sort de ce corps
Le son est lo-fi. Pas dans le sens où ça grésille mais dans le sens où rien n’est amplifié. Les chansons de Learning sont comme enregistrées directement dans une chambre, dans une ambiance intime. Généralement elles s’appuient uniquement sur un piano et la voix évanescente de Perfume Genius, sorte de Neil Young androgyne. Les chansons à texte dépassent rarement les trois minutes trente. On ne peut qu’être reconnaissant face à ce refus de la chanson émotive d’une longueur prétentieuse, genre dont « Stairway to Heaven » est un peu le parangon. La beauté des chansons de Perfume Genius tient à leur caractère éphémère, à la grâce de ces moments qu’on sait pouvoir disparaître à tout moment. Aussi fragile qu’une bulle de savon. Aussi fragile que le cœurs des hommes.
Pour les textes, c’est de nouveau la simplicité qui sert d’arme d’émotion massive. Chaque mot, chaque phrase, parfois répétés, résonne de toute sa densité sentimentale. Contrairement au flot habituel de mots trop nombreux pour qu’on s’y arrête, c’est ici chaque mot qui semble contenir en lui-même une émotion intime propre. L’album commence par « Learning » avec les paroles : « no one will answer your prayers/ until you take off that dress/ no one will hear all your crying/ until your take your last breath », chantées une première fois puis sanglotée une seconde, qui met tout de suite l’auditeur à genoux. Cœur qui résiste à cette chanson, considère toi de pierre. Il ne sert à rien de sélectionner certaines chansons en particulier tant chacune est un sommet de musique sentimentale qu’on avait plus entendu depuis l’Elliott Smith de « Angeles ». Un premier album qui exprime de telles émotions avec sobriété mais grâce à une voix et un talent mélodique hors du commun, cela laisse admiratif. Même les deux chansons instrumentales (« Gay Angels » et « No Problem ») sont de vraies réussites. Peut-être qu’à la longue, on se lassera de cet album, mais l’émotion qu’on a ressentie la première fois qu’on a écouté Learning, on ne l’oubliera pas de sitôt. C’était beau, c’était triste, c’était fort, c’était fragile, c’était vrai.
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