11/07/2010
GUYER’S CONNECTION ET CE QUI S’EN SUIT
Parce que non, il n’y a pas que des petits orgues suisses et Dj Bobo, présentation du parcours étonnant d’un groupe suisse méconnu
1983, Bâle, Tibor Csebits et Philippe Alioth, respectivement 15 et 16 ans. Ces deux jeunes vont créer leur groupe Guyer’s conncection. Comme beaucoup de jeunes occidentaux, ils commencaient à en avoir marre de la définition normée du groupe de rock (2 guitares+1basse+1 batterie= groupe) et comme (et après) beaucoup, ils tombent amoureux des synthétiseurs. Mais comme très peu de gens de leurs âges, ils décident de concrétiser tout ça en auto-produisant un album, nommé Portrait. Bien sûr la distribution d’un tel disque relève de l’hyper-confidentialité. Heureusement à l’heure d’internet, ce concept n’existe plus et on a facilement accès à ce disque qui se trouve être vraiment bon. On pense surtout à la première chanson de l’album « Pogo of techno » qui nous plonge dans des mélodies épurées et fascinantes, très cold wave. Portrait enchaine chansons instrumentales et à texte dans un univers très dark, on retiendra notamment « Arabia », qui sample (le sample est un procédé qui consiste à utiliser dans une chanson un extrait d’une autre source) de la musique arabe pour y ajouter une ritournelle synthé très efficace, procédé qui présageait de la suite des aventures de nos compères. « Ein Glass von Gurken » permet l’impossible, sentir sa tête se dandeliner sur des paroles suisses-allemandes, tant la mélodie est obsédante. C’est bien cela qui fait la qualité de Portrait, étonnant de maturité, des mélodies sobres et pourtant entêtantes, le synthé, sans être puissant, impose des rythmes mélancoliques forts.
Comment sampler l’appel du muezzin permet de faire un tube
Peu après Portrait, c’est la fin de Guyer’s Connection, Tibor Csebits parti vers d’autres occupations. Mais Philippe Alioth n’est pour autant pas seul, il est maintenant accompagné par Christoph H. Müller (futur fondateur de Gotan Project, mais oui vous savez le groupe de tango-electro-chic !). Ensemble, ils fondent un premier groupe, Billy Bordelli, auquel ils renoncent suite aux problèmes qu’ils rencontrent à force de jouer nus sur scène. Les concerts de Billy Bordelli se voulaient l’inverse du traditionnel rock show, présentant plutôt la transposition du travail de studio sur scène. Néanmoins, leurs concerts n’ont pas la réputation d’avoir été barbants. Ainsi, certains se souviennent de leur concert donné en 1989 sur la place fédérale de Berne, lors du festival Stop the army, où ils ont conquis une foule enthousiaste.
Les deux compères fondent ensuite touch el arab en 1986 avec Stefan Hopman. Leur premier titre « Sag mir wo die Nazis sind » est une chanson antifasciste. Leur disque, LRK, fut un succès non seulement en Suisse, mais aussi en France et en Italie. Leur single « Muhammar » qui sample l’appel du muezzin fut notamment numéro 4 des charts helvétiques. Wouah ! Même si les paroles de cette chanson sont d’ordre humoristique, contant les déboires d’un dénommé Muhammar qui ne peut pas conduire parce qu’il a trop bû, on a de la peine à imaginer aujourd’hui qu’un groupe ait du succès en Suisse en s’inspirant de la musique arabe. Cette quatrième place est de plus véritablement significative, l’effondrement du disque n’ayant pas encor eu lieu en 1986, les règne des charts battant encore son plein. Le livret de LRK vante les qualités de la musique arabe et affirme que cette dernière devient véritablement intéressante lors de l’appel à la prière du Muezzin, car celui-ci est le seul à pouvoir introduire des variations et des transformations dans le chant sacré.
Si LRK est un album intéressant, on ressent une très forte influence du génial My life in the bush of ghosts de Brian Eno et David Byrne, sorti déjà en 81. On retrouve la même utilisation du sample de musique africaine, en l’occurrence arabe, auquel on mêle des samples de prêches, ici en allemand. On rajoute à tout ça un beat punchy et saccadé. L’album comporte également quelques chansons plus lentes. Le tout reste de la bonne synth-pop assez variée. Ainsi « le droit chemin » est une jolie chanson à texte, assez conventionnelle. LRK oscille entre titres etno et chansons plus punks comme « Militant ». Les textes, eux, hésitent entre humour et discours anti-système. Bref un album étonnant par son côté touche-à-tout et déconcertant par son manque de cohérence.
Philippe Alioth, décidément instable, eut vite marre du succès rencontré par touch el arab et décida de quitter le groupe pour en fonder un nouveau : Spartak, qu’il définit lui-même comme un « groupe électro-hardcore-industriel d’influence stalinienne ». Ce groupe sortit 4 albums dont le dernier fait rêver rien que par son titre : Golem, Survive of the fittest, Omagiu et Blond Mao. De leurs côtés, les autres membres de touch el arab sortirent un dernier single : « civil war ».
Depuis Philippe Alioth s’est lié à Alexander Friedrich pour former un duo techno/House, nommé tout simplement Alioth & Friedrich. Aux dernières nouvelles, Philippe serait toujours en activité, évidemment sur le point de former un nouveau groupe.
On peut trouver facilement les albums de Guyer’s connection et touch el arab sur blogpsot, notamment sur l’excellent Mutant Sounds (mutant-sounds.blogpsot.com). Par contre pour Spartak et Billy Bordelli, c’est plus difficile.
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